Voyager en temps de pandémie

Le secteur du tourisme parviendra-t-il à se redresser ?

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Mots clés : COVID-19VoyageTourisme
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Frontières fermées, avions cloués au sol, rideau baissé pour de nombreux établissements pendant plusieurs mois : la pandémie de COVID-19 a porté un coup très dur au secteur des voyages et du tourisme. Aujourd’hui, alors que le secteur tente de se redresser dans ce nouveau contexte, les différents acteurs doivent jongler entre des règles et des réglementations qui changent en permanence, le retour des touristes dans leurs établissements (alors que la crise n’est pas terminée), l’appréhension des voyageurs et les restrictions toujours en vigueur dans certains lieux.

Interview

Natalia Ortiz de Zárate

Responsable de l’ISO/TC 228, Tourisme et services connexes

Natalia Ortiz de Zárate-English
Cleaner wearing a black mask polishes a wooden showcase in a museum with paintings hanging on the wall.

Pour soutenir la reprise du secteur du tourisme à l’échelle mondiale, l’ISO a élaboré des lignes directrices internationales qui permettent aux différents acteurs de travailler dans un monde où la COVID-19 circule toujours et d’accueillir les touristes dans les meilleures conditions de sécurité. Ces lignes directrices généralistes s’adressent à tous les prestataires du secteur (établissements d’hébergement, musées, sociétés de transport, fournisseurs d’expériences et d’activités, guides, etc.), en les aidant à offrir des services plus sûrs et à prévenir la propagation du virus.

Dans le dernier volet de notre série sur le tourisme, Natalia Ortiz de Zárate, responsable du comité technique de l’ISO sur le tourisme (ISO/TC 228), partage son avis sur l’impact de la crise sur le secteur et sur la façon dont les normes ISO peuvent contribuer à rétablir la confiance et à bâtir une activité plus durable et plus résiliente.

ISO
Le secteur du tourisme a été sévèrement touché par la pandémie et continue d’en subir les conséquences. Quelle est l’ampleur de la situation aujourd’hui ?
Natalia Ortiz de Zárate

D’après les estimations de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) des Nations Unies, l’année 2020 a connu une baisse des arrivées internationales se chiffrant à un milliard, ce qui représente une perte de PIB pouvant atteindre les 10 % dans de nombreux pays. L’activité économique mondiale a considérablement reculé, et jusqu’à 120 millions d’emplois sont menacés. Les exportations ne sont pas épargnées : l’effondrement des échanges internationaux représente une perte estimée à USD 1 300 milliards de recettes d’exportation, soit plus de 11 fois la perte enregistrée pendant la crise économique mondiale de 2009 (OMT, 2021).

À titre d’exemple, l’Espagne a accueilli 19 millions de touristes internationaux en 2020, contre 83 millions en 2019. Sur un total de plus de 16 000 hébergements touristiques employant près de 600 000 personnes, seuls quelques centaines sont restés ouverts pendant les périodes de confinement pour fournir des services aux travailleurs essentiels. Le secteur étant majoritairement composé de PME aux marges souvent minces, un effet domino sur d’autres pans de l’économie n’est pas à exclure.

Rows of tables with folded chairs outside a café in a deserted street.
Toutes ces nouvelles sont plutôt sombres. Le bout du tunnel est-il proche ?

Malgré les programmes de vaccination (qui avancent de façon inégale selon la richesse des pays), les perspectives globales de rebond en 2021 semblent s’être dégradées en raison de l’apparition de nouveaux variants qui ont entraîné des retards dans la réouverture de certains marchés. Les experts tablent sur une hausse de la demande d’activités touristiques en plein air et dans la nature, le tourisme local et les expériences de « slow travel » suscitant un intérêt croissant des voyageurs, ce qui est un signe très positif. Toutefois, la plupart d’entre eux ne s’attendent pas à un retour aux niveaux antérieurs à la pandémie avant 2023.

Quels sont les principaux défis que le secteur doit relever pour s’adapter à cette nouvelle donne ?

Il est essentiel que l’ensemble du secteur parle un langage commun. L’harmonisation des mesures à l’échelle nationale et mondiale contribuera à faciliter les choses, tant pour les prestataires du tourisme international que pour les touristes eux-mêmes. Les gens ont envie de voyager et de recommencer à faire des projets, mais ils ont aussi besoin de certitudes quant aux conditions de voyage et de sécurité sur leur lieu de destination. À cet égard, ISO/PAS 5643, Tourisme et services connexes – Exigences et lignes directrices pour la réduction de la propagation de la COVID-19 dans l’industrie du tourisme, peut jouer un rôle clé dans la promotion des meilleures pratiques internationales. Cette nouvelle spécification publiquement disponible (PAS) est un guide simple destiné à aider chaque entreprise du secteur touristique à s’adapter à la nouvelle normalité, afin de pouvoir proposer ses services en toute sécurité.

La pandémie actuelle nous donne également l’occasion de repenser le tourisme du futur, d’élaborer des plans venant soutenir la reprise durable du tourisme, de promouvoir la transition numérique et de prendre un virage plus vert.

La relance du secteur implique que le personnel des différents établissements, les fournisseurs et les clients s’accordent une confiance mutuelle. Mais comment la cultiver ?

S’il est essentiel que les acteurs du secteur prennent toutes les mesures nécessaires pour empêcher la propagation de la COVID-19, il est tout aussi important qu’ils communiquent sur ces mesures et tiennent le public informé de la situation. Une communication efficace est donc primordiale pour rétablir la confiance des voyageurs. Alors que de nombreuses personnes aspirent à partir en vacances, des inquiétudes subsistent quant à la sécurité et aux risques d’attraper le virus. La confusion règne également quant à la possibilité ou non de voyager, aux règles d’annulation en vigueur, à l’ouverture des commerces et à la disponibilité des services une fois arrivés à destination. Ce sont des questions essentielles auxquelles les entreprises du secteur doivent apporter des réponses.

Certains pays prévoient des labels et des panneaux de signalisation pour aider les voyageurs à s’y retrouver. L’Europe, par exemple, a mis en place le label de sécurité COVID-19 européen du tourisme (European Tourism COVID-19 Safety Seal), qui repose sur la conformité à la norme ISO/PAS 5643. L’objectif est d’améliorer les procédures de sécurité suivies par les entreprises touristiques pendant la saison estivale. Ce label s’accompagne d’autres mesures, telles que le certificat COVID-19 numérique de l’UE qui facilitera la libre circulation en toute sécurité des citoyens dans l’UE à partir du 1er juillet 2021.

De nombreux pays ont déjà adopté des directives ou des lois nationales visant à réduire la propagation du virus. Que peuvent apporter de plus des directives internationales ?

Le tourisme est souvent une activité internationale. Le fait de partager les mêmes protocoles contribuera à rétablir la confiance des voyageurs, qui pourraient se demander pourquoi les mesures sanitaires de lutte contre la pandémie ne sont pas les mêmes d’un pays à l’autre.

Parallèlement, les données évoluent constamment, ce qui génère une certaine confusion. Au début, les inconnues étaient très nombreuses, notamment sur la période d’incubation ou la transmission du virus par les personnes positives à la COVID-19 mais ne présentant aucun symptôme.

L’été dernier, nous disposions de très peu d’informations sur les possibilités de transmission du virus dans l’eau (par exemple à la plage ou dans une piscine), alors que nous savons désormais que des espaces confinés et une mauvaise ventilation sont davantage susceptibles d’augmenter le risque de transmission. Si la norme ISO/PAS 5643 a été élaborée sur la base de protocoles nationaux déjà existants, elle a également tiré parti des dernières découvertes scientifiques. En conséquence, les mesures proposées ont été adaptées à ces avancées et alignées sur les lignes directrices de l’Organisation mondiale de la santé.

D’un autre côté, une baisse du tourisme ne serait-elle pas bénéfique pour la planète ? Faut-il vraiment prôner un retour à la normale ?

Difficile de nier que le tourisme a un impact énorme sur l’environnement, en contribuant à l’épuisement des ressources naturelles locales, et en amplifiant les problèmes de pollution et de génération des déchets. Mais le tourisme est également un important moteur de développement et de croissance dans de nombreux pays, où il est source de revenus, d’emplois, d’investissements et d’exportations. Il peut également soutenir le financement de projets essentiels, par exemple de préservation du patrimoine culturel et naturel, ou d’amélioration des infrastructures et des équipements collectifs locaux. Les effets, positifs comme négatifs, dépendent de la planification et de la gestion des activités.

L’OMT a appelé à une « reprise durable du secteur du tourisme » afin de « créer un équilibre entre les besoins des personnes et de la planète, pour le bien-être de tous ». L’onde de choc générée par cette pandémie a donc favorisé une prise de conscience et de responsabilité.

Les experts tablent sur une hausse de la demande d’activités touristiques en plein air et dans la nature.

D’un point de vue environnemental, il est vrai que la planète a bénéficié de cet arrêt temporaire du secteur touristique, tout comme de la réduction de l’activité industrielle. D’un autre côté, certaines mesures de santé et de sécurité ont nécessité l’utilisation d’emballages individuels, ce qui a généré une forte consommation d’énergie et une augmentation des déchets. Je pense sincèrement que, en matière de tourisme, l’offre et la demande sont plus que jamais engagées dans une démarche de durabilité. Cette crise est également une occasion en or d’accroître la contribution de ce secteur aux 17 objectifs globaux du Programme de développement durable des Nations Unies à l’horizon 2030.

Le processus de normalisation des activités touristiques reflète les besoins du secteur. Nous disposons désormais de Normes internationales dans le domaine de l’hébergement durable, de la plongée durable, du voyage d’aventure durable, par exemple, afin de faciliter cette dynamique. Mais c’est aussi l’occasion de favoriser la coopération et la coordination internationales pour affronter la pandémie et ses retombées économiques.

Bien que de nombreuses entreprises touristiques aient souffert de la pandémie, certaines se sont-elles distinguées malgré tout par leur capacité à innover et à prospérer ?

Nombreux sont les exemples qui attestent de l’extraordinaire résilience des acteurs et des lieux touristiques. Citons notamment les hôtels transformés en cliniques provisoires afin de réduire la pression sur les hôpitaux et d’augmenter la capacité de lits disponibles pour soigner les patients atteints de COVID-19. À Madrid, par exemple, il y en a eu jusqu’à 14.

De nombreux restaurants ont appris à adapter à la fois leur aménagement (installation de terrasses en plein air, amélioration de la ventilation et installation de panneaux de séparation) et leur mode de fonctionnement, notamment en numérisant les menus ou en lançant de nouveaux services de livraison. La capacité d’innovation a été déterminante.

Café attendant, masked, holds out a paper bag of food to a driver in a car.

Les îles Canaries, par exemple, sont fortement tributaires du tourisme, qui représente 35 % du PIB et de l’emploi. Pendant la pandémie, les autorités locales ont réorienté leur stratégie pour attirer les télétravailleurs avec le slogan suivant : « Venez travailler sous le meilleur climat du monde ». Une façon ingénieuse pour l’archipel d’enrichir la structure de son modèle touristique et de renouveler son image de destination, en plus d’attirer des professionnels hautement qualifiés.

En outre, des technologies telles que les drones, les capteurs de comptage en temps réel ou les applications mobiles ont permis de mieux gérer les flux en évitant, par exemple, les foules sur les plages, ce qui a garanti de bonnes conditions de sécurité. Nous entrons véritablement dans une nouvelle ère du tourisme : une ère innovante, agile et plus en phase avec les attentes des voyageurs et l’environnement, pour créer des expériences plus riches et bénéfiques.

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